Une femme de Shôwa de Kajiwara et Kamimura

Une femme de Shôwa de Ikki Kajiwara (scénario) et Kazuo Kamimura (dessin) raconte l’histoire d’une héroïne, Shôko Takano qui grandit dans le japon des années 40, sous le règne de l’empereur Hirohito (le titre du manga est le nom donné à cette période).

Dans ce récit d’apprentissage violent et cruel, on partage les mésaventures de Shôko. Enfant, elle est abandonnée par son père qui préfère fuir la police spéciale, cette même police qui fera subir à sa mère, élégante geisha, un interrogatoire plus que musclé. Mourante, cette dernière tentera de fuir les bombardements de l’armée américaine en 1945 avec sa fille. L’arrière-plan historique ( le 10 mars 1945 plus de 38 000 bombes sont larguées sur Tokyo) fait écho à la violence des scènes de tortures, de viols ou d’humiliation.

© 1977 Kazuo Kamimura & Ikki Kajiwara

Lire un gekiga (manga pour adulte) de Kamimura est une expérience qui peut être dérangeante car son dessin, (les mêmes traits toujours répétés pour les corps et les visages féminins), sa mise en scène cinématographique et ses valeurs de gris et de noirs captent le lecteur par leur lyrisme et leur précision. L’élégance se mêle alors au sadisme et à la perversion, les corps blancs et lisses des femmes écartelées s’impriment durablement sur la rétine du lecteur. Mais son héroïne, Shôko n’est pas une victime, elle survivra dans le quartier des prostitués et deviendra la chef d’une bande d’orphelines, celle que l’on surnommera le chat sauvage fera régner la terreur avant d’être conduite en centre de rééducation.

© 1977 Kazuo Kamimura & Ikki Kajiwara

La publication de ce one-shot paru en 1977 au Japon nous permet enfin de partager le destin de Shôko, l’occasion de redécouvrir le dessin de ce mangaka disparu en 1986 à qui le festival d’Angoulême a consacré une rétrospective et qui vient de recevoir le prix du patrimoine pour Le Club des Divorcés. Ses œuvres sont rééditées et publiées en France chez Kana.  http://www.kana.fr/