Prison de Charlestown – Banlieue de Boston – Etat du Massachusetts.

Nuit du 22 au 23 août 1927.

Le bourreau Robert G. Elliott s’exécute : il lâche des milliers de chevaux électriques, qui parcourent aussitôt le corps de Nicola Sacco et le secouent de spasmes. L’onde de feu se propage en grésillant, dévorant les tissus, grillant les synapses. Quand le sang aura bien bouillonné, on détachera les sangles. Le cadavre du présumé coupable sera alors amené. Un anarchiste de moins, c’est toujours ça de gagné… Viendra ensuite le tour de Bartolomeo Vanzetti. Lui aussi passera sur la chaise et fera connaissance avec la foudre. Sa douleur et sa peine seront capitales. Jusqu’au bout, l’homme clamera son innocence. Mais rien à faire : la partie était jouée d’avance… Son décès épileptique est l’épilogue d’une American Tragedy débutée sept ans auparavant. Florent Calvez nous en fait le récit dans un livre parfaitement documenté, particulièrement poignant.

© Delcourt

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L’auteur, bien connu des lecteurs de Jour J et de Sept, a choisi de retracer le parcours des deux compagnons d’infortune, mettant en scène un dialogue entre un grand-père anar et son petit-fils. Point de vue intéressant, où le sage transmet à la jeune génération ses opinions, ses sentiments, ses convictions.

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Sacco et Vanzetti sont des immigrés venus de la Ritalie prolétaire. Poussés par la faim, ils ont quitté le « Vieux Continent » pour gagner le « Nouveau Monde ». D’injustice en injustice, ils y traînent bientôt leurs guêtres, leurs semelles de misère. Aux Etats-Unis plus qu’ailleurs, dans les années 20 plus que jamais, la lutte des classes semble avoir du sens. Sacco et Vanzetti sont alors porteurs d’idées jugées subversives, aux couleurs rouges et noires. Ils brandissent un poing fermé. Sur leur drapeau s’inscrivent en grand les lettres du mot liberté.

Le 5 mai 1920, les voilà arrêtés, accusés d’avoir perpétré un double braquage et d’être responsables de la mort de deux convoyeurs de fonds. Le tribunal les condamne à la peine la plus lourde, après une instruction bâclée menée par le juge Tayer. Celui-ci est un affreux conservateur, anti-gauchiste et xénophobe. Il restera sourd à l’immense soutien populaire, jusqu’à la fin tragique que l’on connaît.

Florent Calvez met le doigt où ça fait mal. Au moment où certains font de la « préférence nationale » un credo, en ces heures puantes où l’immigré est encore accusé de tous les maux, son livre est clairement une œuvre engagée. L’auteur ne nous dit pas que Sacco et Vanzetti sont blancs comme neige, mais il émet des doutes, dénonce un procès à charge, des dossiers troubles. Il démontre avec brio que les deux gars n’ont pas bénéficié d’une justice équitable. Victimes d’un contexte et de leur statut de symboles, ils ont payé le prix fort.

American Tragedy est au final un percutant plaidoyer en faveur de la vie à tout prix. C’est un livre honnête et sincère,  un récit  fort et militant. La peine de mort est d’un autre temps.

Bert’

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