C’est l’histoire d’un récit qui déraille, ou plutôt d’un héros (Julius Corentin Acquefacques) qui manque le récit comme on rate un train, à cause d’une panne de réveil; pour être précis, il a pris un lit sans régulateur temporel.

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© Delcourt

Conséquence: un décalage majeur se crée dans l’histoire; la mécanique narrative est tellement détraquée que le lecteur prend l’histoire en cours de route dès la couverture, puisqu’il s’agit en fait de la page 7 ! Un début in medias res poussé à l’extrême.

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Autre conséquence de ce décalage: les personnages se retrouvent rapidement sans scénario, livrés à eux-mêmes, dans le désert du rien.

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Commence alors une errance dans le rien, ponctuée de questions métaphysiques (« Est-ce la fonction qui fait le héros ou le héros qui fait la fiction ? ») auxquelles répondent des pirouettes verbales à la Raymond Devos (« A choisir, je préfère un héros sans histoire à une histoire sans histoire ! »). Un sommet de l’absurde est sans doute atteint quand les personnages croisent un panneau de non-sens; en effet, ils se rendent compte que le panneau est immobile, c’est le rien qui se déplace!

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Hors de question de dévoiler davantage les trouvailles graphiques et littéraires dont regorge cet album. Dans cette sixième aventure de Julius prisonnier des rêves, Marc-Antoine Mathieu poursuit avec brio son exploration des possibles et des limites de la BD à travers des planches dont l’esthétique en noir & blanc est saisissante. Saluons aussi l’éditeur, dont le nom est absent de la couverture – de même que le titre et l’auteur, y compris sur la tranche. Il est donc possible de publier ce genre d’OVNI en 2013.

Malo.

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